A Benjamin Rutabana

La silhouette qui se meut a revêtu son costume d’ombre et de brouillard. Elle frôle l’abîme, mais suspend dans l’air des disparitions l’étrange amertume de la transparence. De la brutalité à la soustraction du sourire, de l’air emboîté des confusions déployées au tracé d’un enlèvement soudoyé. Un corps asphyxié dans le néant des harmonies. Une crucifixion des chaînes dans l’antre des prisons. Le déploiement vertigineux des pendaisons de l’aube. Cette grimace est le reflet de la voix. Et la torsion des lèvres susurre le mépris des agressions. Exil des notes et des partitions. Oratorio reggae comme danse du volcan. Un fleuve ici a pris sa source.  Mais le poison des haines a dilaté l’espoir. Ces chevaux noirs qui hurlent à la nuit. Ces chars qui vrombissent dans le chemin du vide. L’absence inconnue qui gravite au nom des tourments. Chaque cascade, chaque murmure de l’eau, chaque élan de la gorge est un souvenir de l’anse. En génocide gommé aux entrailles. La colère comme aveu, et le poème des révoltés. La marche entaillée des blessures encore vives. Le serpent de sang qui jongle avec la mort. Le 6 avril des pluies rougeoyantes et le soupir de l’être à Bisesero. Combien d’oiseaux assassinés ? Combien de torsions enfoncées dans la chair ? Combien de clous aux visages des enfances ? Entendre la clameur des entraves. Écouter le tournoiement des chants au fond de la vallée. Cette colline qui surplombe la mémoire a rejailli de la torture. Stigmates dessinés sous la plume des cécités.  Cicatrice ouverte au jaillissement de la faim. Collier tressé sous la junte des vengeances. Musicien de l’errance éperdu dans la fièvre.
Où es-tu ?